La diplomatie française en Afrique durant le mandat du président Macron a dû faire face à une multitude d’écueils : coups d’Etat en série, départ du Mali, ingérence russe ou encore influence chinoise. Quelle est la situation de la France en Afrique occidentale et quelles sont les perspectives ?
Le Mali isolé
En 2020 puis 2021, le Mali a connu deux coups d’Etat qui ont remis en cause la présence de l’armée française dans le pays. En janvier 2022, Bamako s’est retrouvée un peu plus isolée. La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a mis en place un embargo commercial et financier pour sanctionner la junte qui envisage de contrôler le pays pour quelques années encore. La France puis les États-Unis d’Amérique ont assuré leur soutien aux mesures prises par la Cédéao. L’Union Européenne suit naturellement le mouvement.
Le 12 janvier 2022, la compagnie aérienne Air France avait décidé de suspendre ses vols à destination du Mali. Le même jour, la junte prenait la décision de fermer ses frontières aériennes et terrestres. Malgré cette situation diplomatique tendue, la France était toujours engagée au Sahel, région débordant sur le Mali, et à ses côtés la force onusienne Minusma. Afin de garantir l’approvisionnement des troupes de la coalition, différents appareils occidentaux effectuaient des vols dans la zone. Le PDG des aéroports du Mali a dénoncé, ce jour-là, le survol de l’espace aérien malien par un A400 de l’Armée de l’Air française. Selon Paris, ce vol aurait été déclaré préalablement auprès des autorités aériennes du pays. Toutes ces passes d’armes devaient nécessairement aboutir à une catastrophe diplomatique.
L’armée française chassée du Mali
La France est engagée au Mali depuis 2013. Or, 2022 voit le départ de la coalition européenne ainsi que des forces canadiennes (Opération Présence) qui combattaient sur place. 58 soldats français ont perdu la vie dans ce conflit dont 53 au Mali, 3 au Burkina Faso, 1 au Niger et un 1 au Tchad. Le Sahel est en effet une région qui couvre 6 États : Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad.
9 années de combat se terminent donc suite à la volonté de la junte malienne de voir partir les troupes françaises. La première intervention militaire française au Sahel a eu lieu de janvier 2013 à juillet 2014 sous le nom d’opération Serval. C’est ensuite l’opération Barkhane qui a pris le relais. La France s’est hissée à la tête de l’opération à laquelle participent également d’autres pays européens. Néanmoins, la France est de loin le plus gros contributeur en matière d’hommes et de logistique puisqu’elle a mobilisé jusqu’à 5 000 militaires. Et les autres États européens alors ? A travers la Task Force Takuba, la Belgique, le Danemark, l’Estonie, la République Tchèque, l’Italie, la Hongrie, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède contribuèrent à hauteur de 800 hommes.
A l’heure où le président Macron parle de la construction d’une défense européenne, l’incapacité pour les alliés européens de mobiliser leurs armées aux côtés de la France dans son combat contre l’islamisme au Sahel, nous permet d’émettre certains doutes.
Alors que l’ambassadeur de France est expulsé du Mali et que l’armée prépare son retrait, la junte malienne a décidé de faire appel au groupe russe Wagner pour déployer ses mercenaires afin de combattre les terroristes. Poutine a coupé l’herbe sous le pied de Macron. C’est clairement un revers pour la diplomatie française.

Le Tchad renforce sa présence au Mali
Malgré le retrait programmé de la France au Mali, le président de la transition militaire du Tchad a annoncé qu’il ne retirerait pas ses troupes du Mali tant que la menace sécuritaire ne serait pas résolue. En réalité, le général Deby renforce la participation du Tchad au sein de la force onusienne Minusma
Rappelons que le Tchad a vécu un coup d’Etat en 2021. La diplomatie française a décidé d’apporter sa confiance aux militaires putschistes qui sont très impliqués dans la lutte contre les terroristes du Sahel. En janvier dernier cependant, les forces de sécurité tchadiennes ouvraient le feu sur des manifestants au régime. Le soutien de la France aux militaires en place au pouvoir a alors été vivement critiquée dans la région. Décidément, la diplomatie française patine en Afrique de l’Ouest.
La Guinée et le Burkina Faso toujours sanctionnés par la Cédéao
Début février 2022, la Guinée était l’objet de l’attention particulière de la Cédéao. L’organisation annonce maintenir ses sanctions jusqu’à ce que la junte organise des élections suite à son coup d’Etat de septembre 2021.
Autre sujet d’attention du Cédéao, le cas du Burkina Faso. Le 24 janvier dernier, le pays a également connu un coup d’État organisé par les militaires. Ces derniers ont été sommés par l’organisation d’œuvrer rapidement au retour de l’ordre constitutionnel. La France comptait redéployer dans le pays une partie du dispositif de l’opération Barkhane pour continuer la lutte contre les groupes islamistes du Sahel. Le projet a forcément avorté. La France se tourne dorénavant vers le Niger.

Le Soudan : un cas qui échappe totalement à la France
En 2020, le pouvoir en place tombait au Soudan. Depuis, plusieurs groupes se disputent le pouvoir dans tout le pays notamment à travers des exactions à l’encontre de la force de maintien de la paix Minuad (ONU/Union Africaine). Des troupes mercenaires russes auraient été aperçues au Soudan, n’arrangeant pas la situation déjà très précaire.
Malgré tout, l’Union européenne, sous présidence française, allouait début 2022 une aide de 40 millions d’euros à l’intention des civils nécessitant une aide humanitaire. La diplomatie française semble encore incapable d’exercer la moindre influence pour résoudre la crise soudanaise. La seule solution : le carnet de chèques.
Remplacer les soldats par de l’investissement financier
L’Union Européenne a initié son projet d’injection de nouveaux capitaux pour l’Afrique subsaharienne. Ainsi, les Européens devraient débloquer 30 milliards d’euros sur une période courant de 2021 à 2027. Ces financements ont pour but de soutenir le développement économique de cette région.
Parallèlement, le président Macron confirmait début 2022 la fin prochaine du franc CFA. Cette monnaie est utilisée par les États de la Cédéao, soit par 14% de la population africaine. Une nouvelle monnaie devrait prendre le relais : l’éco.
Malgré la fin de l’opération Barkhane qui s’annonce, Emmanuel Macron a déclaré, lors d’une conférence de l’Agence française de développement, le 16 dévirer 2022, que « si l’Afrique ne réussit pas, l’Europe échouera, les nationalismes triompherons ». Nous pouvons nous interroger sur la diplomatie française actuelle. La France remplace sa présence militaire par des milliards d’euros investis à travers l’UE. Ces fonds seront certainement très efficaces pour lutter contre l’influence économique chinoise qui tend à croître dans cette région. Néanmoins, il n’est pas certain que l’investissement financier soit d’une grande efficacité pour repousser les rebelles jihadistes au Sahel ni contre-carrer les actions des mercenaires russes du groupe Wagner.
La succession des coups d’Etat en Afrique occidentale a remis en cause l’influence française dans cette région stratégique et historique pour la France. La fin de l’opération Barkhane au Mali est probablement l’échec le plus retentissant du président Macron en Afrique. C’est le couronnement d’une diplomatie défaillante. Toutefois, la France n’a pas dit son dernier mot. N’oublions pas qu’elle possède trois bases militaires permanentes au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon. Un redéploiement des troupes de Barkhane devrait également permettre de continuer la lutte contre les groupes terroristes au Sahel. L’élection présidentielle du printemps prochain verra peut-être émerger un nouveau paradigme diplomatique qui permettra à la France de recouvrer son influence.
Frédéric Chapuis.